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Elle le connaissait depuis au moins 15 ans.

Elle l'avait admiré et soutenu dans chaque épreuve de sa vie et avait toujours été présente pour lui. Rien ne lui avait échappé, le moindre détail de son existence était retranscrit sur les centaines de feuilles qui formaient son journal intime. Elle était son ombre. Il était sa lumière. Oh, elle avait déjà pu auparavant lui parler un petit peu, lui adresser quelques mots mais rien de plus, elle était trop timide, trop émerveillée surtout. Elle se contentait de lui lancer quelques signes de la main, mais il ne la regardait pas. Ou si peu. Existait-elle pour lui, à cette époque ? Et pourtant elle ne pensait qu'à ce garçon. Il était son seul bonheur.

Tous les matins, lorsqu'elle se réveillait, sa première réaction était de contempler cette photo, cette minuscule photo qu'elle avait trouvé une fois sur un blog et qu'elle avait aussitôt imprimé en cachette de ses parents. Elle ne voulait pas que le monde sache qu'elle était passionnément amoureuse. Mais bientôt, elle ne pourrait plus le taire.

Aujourd'hui, son souhait le plus cher se concrétise enfin. Il est là, assis devant elle. La soirée est terminée, les amis sont partis. Ils sont seuls. Grand silence. Néant. Elle est face à lui, les mains tremblantes, la bouche sèche et pincée. Un frisson vient alors parcourir son corps, tantôt glacial, tantôt brûlant. Lui, les bras croisés, le regard vide, semble imperturbable. Il est temps de changer les choses. Elle fait un pas. Puis un deuxième. Son cœur va exploser et jaillir de sa poitrine tant il devient fou.

Silence toujours. Il n'y a que ce petit bourdon qui siffle dans ses oreilles, seul indicateur qu'elle est toujours existante et là. Oui, elle est surtout Là. C'est le plus important. Elle continue de s'approcher. Il ne la refuse pas. Leurs genoux sont maintenant en contact, lui assis sur sa chaise, elle debout sur le carrelage. Un courant électrique d'une intensité sans pareille se manifeste alors dans leur chair. Elle ne peut plus rester ainsi, ce silence a trop duré.

Dans un court élan de frénésie, elle se jette à son cou et l'embrasse. Oui, elle embrasse celui qu'elle aime depuis plus d'une décennie. Il ne manifeste aucun mécontentement. Peu à peu, ses lèvres se dirigent vers sa joue tandis qu'une larme fait irruption sur la sienne. Leurs lèvres s'entrechoquent dans un délicat et doux soupir. Les minutes, les secondes, le sablier s'est arrêté. Il n'y a qu'eux et leur intimité.

Quelques instants plus tard, il choisit enfin de prendre les devants, passant tendrement sa main droite dans les cheveux blonds et fins qui recouvrent une peau pâle et laiteuse. Leur souffle s'accélère dans la communion synchrone d'une exaltation violente. Elle lui ôte son chemisier, déboutonnant subtilement un à un les quelques attaches la séparant de sa nudité si souvent convoitée. Aujourd'hui elle est son élue, l'Unique, jalousée par tant d'autres. Mais une voix vient troubler cet instant charnel. Une voix féminine derrière la porte.

Qui peut s'aventurer à contrarier deux êtres prédits l'un à l'autre ? Qui ?

Il est 11h17 ce samedi matin et les rayons du soleil percent à travers les minces jointures des volets depuis déjà plusieurs heures. Dans la chambre, des posters jaunis par le temps ornent les quatre murs. Louise ouvre ses paupières et se sépare de l'oreiller qu'elle tenait fermement dans ses bras. Quelques gouttelettes de sa salive restent déposées sur le tissu blanc. Sa mère revient frapper à la porte, il est l'heure de se préparer à aller une énième fois au concert donné par le groupe de musique adoré de la famille.

Comme à son habitude, la première volonté de Louise, avant même de se lever, est de tirer vers elle le tiroir de son meuble de chevet.

Elle retrouve la photo.

La photo d'un chanteur très adulé.

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© Copyright, 2010

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